Nouvelles fantastiques du Vanuatu

A l’issue d’une séquence sur la nouvelle fantastique, les élèves de 4ème 1 et 4ème 2 ont rédigé par groupes des récits fantastiques se déroulant au Vanuatu. Pour cela, ils sont allés au Musée National, ont choisi des objets qui leur ont paru symbolique de la culture de leur pays, puis ils ont laissé travailler leur imagination…

Masque de Malicolo

Le Masque

      Je m’étais réveillé tôt ce matin-là. Je ne sais pas pourquoi, mais dès que je fus levé, j’eus envie d’ouvrir toutes les fenêtres de ma maison. Ah ! Cette petite brise matinale qui caresse le visage, et ce soleil qui réchauffe le cœur ! C’est ça la vie… calme, douce, et sereine. Mais soudain, un énorme vacarme vint rompre ce silence de rêve. Cela provenait de chez mon voisin. Domestique chez un riche collectionneur d’arts premiers, il préparait son déménagement depuis que son patron était mort dans des circonstances qu’il ne voulait pas dévoiler. Je sortis le saluer mais il n’était pas là. Alors j’allai voir les déménageurs et je leur demandai de faire moins de bruit. Mais ils me répondirent énervés :
« Vous êtes là pour nous apprendre not’ job ou quoi ?! »
Vexé, je commençai rentrer chez moi à pas lents lorsque je vis un livre par terre, et probablement tombé d’un carton. Je le ramassai et en l’ouvrant, je compris qu’il s’agissait en fait d’un journal intime. Celui de mon voisin. Pour me venger des déménageurs grincheux, je l’emportai chez moi. Après avoir fermé la porte, je m’installai confortablement dans mon fauteuil près d’une fenêtre, le journal à la main. Je l’ouvris et commençai la lecture :

                                                                                                                                 ***
« Je m’appelle Theodore Wright. Parce que je ne voudrais pas que cette aventure soit oubliée, je vais raconter ici un évènement de ma vie qui m’a particulièrement marqué.
C’était un 13 août. Mon patron, James Black, m’avait annoncé que nous allions nous rendre dans un pays appelé Vanuatu, précisément sur l’ile de Mallicolo, pour y rechercher des objets rares : masques, tamtams ou statuettes. Le soir même, nous partions. Arrivés là-bas, nous avons loué un bungalow dans le village de Lakatoro pour y passer la nuit. Une fois que nous avons été bien installés, un message nous est arrivé. L’intérêt de James pour la culture vanuataise était assez connu et nous étions invités à une cérémonie coutumière en l’honneur d’un grand chef décédé. Cela consistait à faire des offrandes à la famille du défunt sous forme de nattes tressées et de nourriture tel que l’igname. Mon patron devint l’homme le plus ravi du monde. Je m’endormis tranquillement tandis qu’il veillait, trop excité pour dormir.

        Le lendemain matin, un énorme orage me réveilla très tôt. Mon compagnon était dans sa plus grande forme, et levé depuis longtemps déjà. Parfois, je trouvais bizarre et excessive sa passion pour les objets d’art premier.

        Le village où nous devions nous rendre était assez enfoncé dans la brousse et comme aucun véhicule n’était à notre disposition, nous avons dû marcher dans la forêt sous un temps orageux. Le ciel était sombre, noir, régulièrement illuminé par les éclairs qui le zébraient. Nous avancions à travers une végétation dense et obscure, qui ralentissait notre progression et m’effrayait. Tous les deux ou trois pas, je glissais et tombais parfois dans la boue fraiche ce qui n’était pas le cas de mon patron qui semblait ignorer ces obstacles qui entravaient notre chemin.
Nous sommes arrivés au village après quatre heures de marche laborieuse. La cérémonie avait déjà commencé depuis assez longtemps. Nous nous sommes trouvé une place dans toute la foule et avons observé les danses coutumières. Tous les meilleurs danseurs du village étaient présents pour offrir un spectacle coloré et rythmé. Les hommes portaient des pendentifs en dents de cochon et étaient peints de la tête aux pieds. Ils avaient tous des bracelets aux chevilles où des sortes de noix étaient accrochées et tintaient à chaque pas. Les femmes portaient des jupes de nattes tressées ou en fibres de coco et des couronnes de feuilles sur la tête. Ils étaient tous debout, frappant du pied et agitant des bâtons étranges ; ils tournaient de plus en plus vite, en frappant toujours du pied sur un rythme saccadé et en poussant des cris agressifs. C’était une danse d’une beauté effrayante.
Après les danses, se déroulèrent des offrandes aux ancêtres que les habitants déposèrent au pied d’un tamtam trônant au centre du village. Le tamtam était imposant avec sa grosse tête sculptée, ses yeux proéminents et son nez énorme. Ce qui intéressait James, c’était le masque qui était posé à côté du tamtam. Ce masque de forme pyramidale mesurait une quarantaine de centimètres de haut et présentait quatre faces. Sur chacune de ces faces en argile était sculpté un visage muni de deux dents de cochon plantées dans la bouche. Un peu de peinture blanche faisait ressortir les yeux, le reste du masque étant brun et noir. De longues plumes de coq étaient accrochées au sommet.
Tout en regardant le masque, j’observais aussi mon compagnon : je trouvais qu’il avait un air assez étrange, presque sinistre. Je lui demandai s’il avait l’intention d’obtenir ce masque. Il me répondit :
« Cet objet vaut une fortune, je ferais n’importe quoi pour l’avoir. »
Son air déterminé ne me disait rien de bon. Je lui rétorquai alors qu’il devait soit acheter soit laisser le masque, mais qu’il ne devait pas le voler. Mais mon patron ne répondit pas et un sourire s’afficha sur ses lèvres. J’eus un frisson d’inquiétude.

       A la fin de la cérémonie, James alla voir le nouveau chef et lui demanda :
« Que représentent ce tamtam et ce masque ?
– Ce masque appartenait à notre chef. Avant sa mort, il nous l’avait donné en nous expliquant que son esprit gardien irait s’installer dans ce tamtam et qu’il nous protègerait. »
James remercia le chef et s’éloigna sans ajouter un mot, toujours avec ce sourire aux lèvres. Je le rattrapai et lui conseillai :
« Je te connais bien… Il ne faut pas voler ce masque ! Tu vas nous attirer des ennuis.
– Ce que tu peux être méfiant ! » se contenta-t-il de commenter sur un ton agressif.
Je ne répondis pas, en espérant qu’il oublierait le masque.

      Nous refîmes les quatre heures de marche dans l’autre sens et arrivâmes au bungalow à la nuit tombée. Je m’assis sur mon lit tandis que mon patron déposait son sac à dos sur le sien. Il l’ouvrit et fit sortir ce que je redoutais de découvrir : le masque ! Un frisson de colère et de peur traversa tout mon corps. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne dis rien.
Pourtant j’étais furieux contre M. Black, et j’envisageai de démissionner au lever du jour. Je m’allongeai en essayant d’oublier toute cette histoire et finis par m’endormir. Tout à coup, j’entendis une porte grincer, et dans l’obscurité j’arrivai à distinguer une énorme masse sombre. Mon sang se glaça, je poussai un effroyable cri d’horreur puis je reçus un violent coup sur le crâne. Ensuite plus rien, que du noir.

A mon réveil, j’avais un mal de tête horrible. Je mis beaucoup de temps avant de réussir à me lever sans trébucher. Et lorsque je tournai la tête pour regarder James, il n’était plus là ! Son lit était rougi par une tache sombre : du sang ! J’eus l’impression que mon cœur cessait de battre et je faillis m’évanouir. Je me mis à chercher le masque dans tout le bungalow mais lui aussi avait disparu. Je décidai alors de courir jusqu’au village. La boue de l’orage n’avait pas encore séché et je tombais presque à chaque pas.
Quand j’arrivai au village vers midi, je vis le tamtam au centre du nassara et le masque posé à coté ! La surprise me laissa bouche bée. Je m’approchai du tamtam et remarquai qu’il était taché de sang. J’étais horrifié. Je rentrai au bungalow à pas hésitants, avec l’impression désagréable d’être observé. L’angoisse me serrait la gorge.
Le lendemain, je pris le premier avion pour Port Vila puis je rentrai à New York au plus vite. Comme mon patron n’avait pas de fils ni de fille, toute sa fortune me fut léguée. Mais l’argent ne fait pas le bonheur et j’espère ne plus jamais revivre ça. »

***

A la fin de cette lecture, je demeurai stupéfait, et je m’imaginai toute l’aventure que mon voisin avait vécue. Je sortis de ma maison pour lui rendre son journal, mais il n’y avait plus personne ni chez mon voisin, ni dans la rue ni dans la maison : Theodore et les déménageurs étaient partis. Tant pis, je rentrai chez moi, déçu, et rangeai ce livre dans ma bibliothèque. Cela ferait une histoire à raconter.

Louis Louzé et Varick Bizot

Rampramp

 Le rampramp

     Un paysage sauvage se présentait à mes yeux. Mallicolo ! L’avion plana au-dessus d’une végétation tropicale de forêts denses et verdoyantes d’une indicible beauté. Je me réjouissais à l’idée que j’allais sur un îlot du Vanuatu où se produisaient d’anciens rituels cannibales, Atchin. Mes amis archéologues seraient jaloux s’ils savaient ce qui m’attendait dans cette île.
Je fis un pas hors de l’avion. Le ciel dégagé semblait plus profond que les océans. A l’horizon, l’or du jour naissant laissait échapper ses rayons orangés. De loin j’aperçus une silhouette, mon guide, Stanley. Je respirai l’air frais et me dirigeai vers lui, sac au dos.

Après plusieurs heures de marche, j’arrivai à destination. M’ayant auparavant indiqué la direction à prendre, Stanley m’avait laissé continuer le chemin seul. Il s’était arrêté dans un village, m’annonçant qu’il y avait une urgence et qu’il ne pouvait pas se rendre avec moi sur l’ancien site cannibale de l’île. Là se déroulait autrefois un rite consistant à manger, dans le but de prendre leurs forces, la chair des guerriers ayant été faits prisonniers.
Un lieu lugubre se présentait à mes yeux : un paysage ténébreux où le ciel se confondait avec l’ombre dense des arbres comme des métaux s’amalgamant. Devant moi se dressait un immense banian dont les racines sortaient de terre, tels des centaines de serpents. J’avançai avec crainte. Chaque pas que je faisais résonnait dans la forêt. Je sentis des frissons me parcourir le dos.
Un silence de mort régnait. Aucun bruit, pas même le chant des grillons ou le bruissement des feuilles. Mais j’étais bien obligé de camper dans cet horrible endroit. Je décidai de monter ma tente dans un espace qui me parut assez dégagé et où filtrait une lumière tamisée. Quand je m’allongeai dans ma tente et fermai les yeux, je sentis aussitôt un froid pénétrer mes os.

J’essayais de dormir mais n’y parvenais pas. Au bout d’un moment qui me sembla bien long, je me redressai et sentis quelque chose de dur sous mes fesses, quelque chose de solide aux formes irrégulières. Je sortis de la tente et fus surpris par l’obscurité pesante. Avais-je dormi sans m’en rendre compte ? Je rentrai dans ma tente et en ressortis muni d’une lampe torche.
Je m’avançai vers le banian en éclairant le sol pour ne pas trébucher. A chaque pas que je faisais, il se produisait un craquement sec comme lorsqu’on marche sur des coraux. Je scrutai le site et éclairai les racines du banian qui me semblèrent blanchâtres. A ma grande stupéfaction, ma tente trônait au milieu d’ossements humains !
Au pied du banian était étendu un squelette qui attira mon attention. Il était allongé, les bras en croix, mais n’avait plus de tête. Intrigué, je m’approchai à pas rapides. Je levai les yeux et vis, posé dans un creux de l’arbre, un masque aux yeux enfoncés, au regard sombre et singulier. Ce n’était pas un masque, c’était… un crâne peint. Je reculai vivement, le souffle coupé. Un rampramp ! C’était un rampramp ! Je venais de trouver une de ces statues utilisées pendant les cérémonies de deuil. Cela ressemblait à un épouvantail miniature dont les membres en bambou étaient recouverts d’argile. Le corps était surmonté d’une tête faite avec le crâne du défunt, lui aussi recouvert d’argile et peint. Les deux dents de cochon qui sortaient de la bouche étaient recourbées et perçaient le nez, ce qui m’indiquait que c’était un chef à qui on avait rendu hommage cent jours après son décès.

Fasciné et irrésistiblement attiré, je pris entre mes mains ce crâne masqué. Le visage réduit semblait abriter un être invisible. Tout à coup, derrière moi, j’entendis des chuchotements brefs. Puis une main ferme sembla se poser sur mon épaule. Je sursautai et me retournai brutalement. Personne. Ma vision se troubla, ma tête tourna. Je me frottai les yeux. Je restai pétrifié pendant plusieurs secondes, mon cœur battait très fort au point de s’arracher de ma poitrine. Je demeurai sans voix, la gorge sèche. J’avais l’impression d’être observé. Sentant une présence derrière moi, je me retournai brusquement et cherchai du regard. Cherchai quoi ? Je ne savais pas… Je me sentais vide, oppressé, comme possédé par une force extérieure. Je perçus des chuchotements lointains en écho, puis des cris stridents. Je voulus crier mais ma voix se perdit dans le vide. Puis mes vêtements furent comme inondés par une sueur froide. Des images floues défilèrent dans ma tête.

J’essayai de m’enfuir, le rampramp dans les bras mais trébuchai et tombai à genoux. Je me sentis alors comme trempé dans une eau glacée. Je baissai les yeux. Une rivière ! Je regardai autour de moi. Aucun bruit. Pas un seul. Mes doigts tremblaient. Etais-je victime d’un affreux cauchemar ? Je voulus me rafraichir le visage afin de me réveiller. Je découvris alors mon reflet dans l’eau à la lueur de la pleine lune et je tressaillis. Je ne portais plus le rampramp… j’en étais un !

Marine Cugola, Alfonia Felix, Diandra Nimoho et Albert Watt

Tamtam d'Ambrym

Le tamtam

Dans un petit village d’Ambrym nommé Fanla, au centre de l’archipel vanuatais, se tenait une assemblée. La réunion allait commencer dans le nassara. C’était une surface herbeuse où les anciens se réunissaient et au milieu de laquelle trônait un immense tamtam légèrement incliné vers l’arrière. Toutes les personnes présentes s’étaient assises en cercle et il n’y avait plus aucun bruit, mis à part celui de la pluie qui tombait et de l’orage qui grondait au loin.
Un vieil homme se leva difficilement et prit la parole après le chef. C’était un homme maigre, aux cheveux blancs, et aux épais sourcils qui cachaient des petits yeux noir charbon. Il annonça aux membres de l’assemblée : « Vous ne pouvez faire entrer un sculpteur étranger sur notre île ! » et ils lui répondaient : « Pourquoi dis-tu cela, apu ? Nous ne voyons aucun inconvénient à accueillir cet étranger sur nos terres ! ».
Le vieillard se dirigea vers le tamtam qui dominait le nassara, le visage empreint de lassitude, s’assit et commença son récit…
« Il y a de nombreuses années, un sculpteur qui s’appelait Sam arriva dans notre humble village. Il était venu d’Australie pour apprendre à sculpter des tamtams. Dans les premiers temps, les anciens refusèrent d’accéder à sa requête, ne voulant pas lui céder un pan de notre culture sacrée. Cette culture nous appartient et les tamtams qui nous relient aux esprits de nos ancêtres nous appartiennent aussi. Mais à force de persuasion, Sam parvint à faire céder les anciens. Nous lui apprîmes donc à faire des tamtams comme ceux que nous utilisons dans nos cérémonies. Sam en sculpta un superbe, à l’allure étrange. Il était grand, d’environ deux mètres, tout entier sculpté dans un arbre à pain d’un brun luisant, lustré à force d’être poli. Les motifs ornant sa tête étaient peints d’un blanc cru, ce qui leur donnait l’aspect de l’os. Tous ces détails le rendaient presque inquiétant.

Après un mois de travail avec les villageois, Sam s’était trouvé une place dans le village et avait été accepté par les habitants. Mais si la vie paraissait normale, il n’en était rien, car tous les soirs un orage se déchainait, la foudre tombait, de plus en plus puissante, par vagues, sur le tamtam et des trombes d’eau inondaient le village. Au début, tout le monde trouvait cela étrange, et certains allaient jusqu’à penser que les esprits étaient en colère contre Sam. Certes, il était effrayant son tamtam, avec sa stature imposante, son corps luisant tel un serpent et ses motifs blancs illuminés par la foudre, ce qui lui conférait un aspect squelettique. Mais finalement, au bout d’un moment, les villageois n’y firent plus attention.

Un soir, cependant, il y eut plus de bruit que d’ordinaire et les éclairs s’acharnèrent de plus en plus fort sur le tamtam. Sam, réveillé par tout ce vacarme, sortit en trombe de son bungalow.
Le tamtam se dressait devant lui. Illuminé par les éclairs, ses yeux prenaient une teinte de plus en plus sanguine de seconde en seconde et les motifs de sa tête commencèrent à rougir et à briller. Sam était pétrifié de peur. Puis tout se déchaîna : il se mit à pleuvoir, le vent se leva et la foudre frappa avec puissance. Le tamtam semblait prendre vie sous les yeux éberlués de Sam.

Le sculpteur était terrifié, il n’entendait plus rien si ce n’est les battements acharnés de son cœur et le sang pulsant à ses oreilles. Il allait prendre ses jambes à son cou quand tout prit fin : la pluie s’arrêta, le vent retomba et les éclairs cessèrent soudainement. Puis il crut entendre une voix retentir :
« Les anciens t’avaient dit de ne pas sculpter sur nos terres… mais tu ne leur as pas obéi, c’est donc à nous, esprits, de te donner un dernier avertissement : quitte le village, détruis ton maudit tamtam et ne reviens jamais ! Dans le cas contraire, nous te poursuivrons inlassablement puis nous te tuerons sans hésiter. Grâce à cette marque qui se transmettra à ta famille de générations en générations, tu te souviendras de cet avertissement. »
Sur ce, une brûlure intense arracha un cri à Sam qui vit apparaître, au creux de son coude, une marque rouge sur sa peau soudain à vif et boursouflée. C’était un cri effroyable, un de ceux qui expriment une terreur pure. Puis il s’évanouit.

Le jour suivant, il n’y avait plus aucune trace de Sam et le tamtam avait disparu. Le sculpteur était parti d’Ambrym, emportant le tamtam avec lui. Il n’avait pas pu se résoudre à détruire ce qui était pour lui comme un fils.

En arrivant dans son appartement à Brisbane, il défit sa valise, installa le tamtam dans sa chambre et s’affala sur son lit pour sombrer dans un sommeil profond hanté de cauchemars.
Il se réveilla le lendemain matin, la tête encore emplie d’images de tamtams couronnés d’éclairs, et de voix répétant de façon monotone cette litanie : « Tu as commis une erreur terrible, maintenant tu vas mourir … ».

Les semaines suivantes, c’était toujours la même phrase qui retentissait comme un écho dans sa tête : il ne dormait plus à cause des images affreuses qui le hantaient, il ne sortait plus, terrifié comme il l’était par la maudite voix et sa litanie. Ne sortant pas, ne mangeant pas et ne laissant personne entrer chez lui, il tomba malade.
Rapidement, ses affaires financières furent au plus mal et Sam sombra de plus en plus dans la folie. Il restait cloîtré des jours entiers dans la chambre avec son tamtam. Le pauvre homme dépérissait, vivait dans la terreur et l’angoisse de se faire assassiner par des esprits maléfiques. Tout le monde le croyait fou.

Un soir d’orage, alors que Sam sanglotait aux pieds du tamtam, celui-ci s’anima. Ses yeux redevinrent rouge sang, son corps se mit à luire et un chant tribal se fit entendre. C’était un chant entrecoupé de cris et de mots scandés, un chant rapide et agressif. Pétrifié de peur, Sam tenta de se boucher les oreilles…

Le lendemain matin, Sam fut retrouvé mort au pied du tamtam, recroquevillé sur lui-même, une expression de terreur absolue gravée sur le visage. Chose étrange, on ne trouva aucune trace d’effraction ni de lutte dans l’appartement de la victime. La seule chose un peu inhabituelle qui fut remarquée était un symbole gravé sur le coude de la victime.
Plus tard, nous apprîmes que Sam avait eu une aventure avec une des femmes de notre village, et qu’elle lui avait donné un fils… »
Une fois son récit achevé, le vieil homme se leva et demanda : « Etes-vous enfin convaincus ? Il serait imprudent de faire la même erreur que nos ancêtres ! » Après un moment de réflexion, l’assemblée conclut qu’il ne fallait pas faire venir l’étranger chez eux, et le chef dit au vieil homme :
« Merci à toi, apu, pour tes arguments qui vont nous permettre d’agir avec sagesse !».

Le grand-père se tourna vers l’homme qui venait de parler, puis il sortit du Nassara, un sourire victorieux aux lèvres. L’orage avait cessé de gronder et la pluie tombait désormais en fines gouttes bienfaisantes. Les autres membres de l’assemblée eurent le temps de voir au creux de son coude une vilaine marque sur sa peau boursoufflée.

Annaëlle Dumas, Ted Langeron et Dimitri Russet

Masque Nalawan

                                                                                                                  Le Nalawan

Le 26 aout 1997, je me promenais dans une des rues les plus fréquentées de Port-Vila, capitale du Vanuatu, quand tout à coup une pancarte à la porte d’une boutique attira mon attention. Curieux, j’entrai dans le magasin d’antiquités. Dès que j’eus fermé la porte, je sentis l’odeur des meubles anciens m’accueillir. Je marchais parmi les objets quand je vis au centre de la pièce une boîte en verre qui contenait un livre ouvert. Au-dessus, une carte informait que c’était le carnet de bord d’un navigateur français. Je pris le livre et commençai à lire :

                                                                                                                                 ***
Aujourd’hui, 18 aout 1923, je commence mon journal de bord pour raconter la terrible et incroyable histoire qui m’est arrivée.
Je naviguais en solitaire sur mon navire depuis deux mois -ou peut-être plus- dans le Pacifique Sud quand j’aperçus le littoral d’une île dont je ne connaissais pas le nom et au moment où une tempête se levait. Le vent, la pluie et les vagues se déchainèrent. Ma voile se déchira et j’essayai de lutter comme je pus contre les éléments.
Je ne me souviens plus comment je suis arrivé sur cette île, mais quand j’eus atteint la plage, je dus m’évanouir puis je crus entendre des voix et sentis du mouvement près de moi…

       Lorsque je me suis enfin réveillé, la première chose que je vis fut, au-dessus de moi, un toit en feuilles de grande taille. Mon regard suivit lentement des murs en bambou et se posa sur une femme qui se tenait debout devant moi. Ma première question fut de lui demander en français où j’étais. Elle ne me répondit pas puis elle sortit de la case où je me reposais. Je me levai et la suivis quand soudain elle se retourna et prononça ces mots: «Kam wetem mi ! ». Je ne comprenais pas ce qu’elle disait, mais heureusement, elle me conduisit vers un villageois qui connaissait le français donc je me présentai dans ma langue.
« Mon nom est Jeremy, je suis un navigateur français et je ne sais pas comment je suis arrivé ici. Je pense que mon bateau a échoué sur votre île. Merci de m’avoir sauvé, sans votre aide qui sait ce que je serais devenu ? Je voudrais savoir où je suis et quelle langue vous parlez.
– Vous êtes à Erromango, une île au sud des Nouvelles-Hébrides. Ici nous parlons le bichelamar.
– Pouvez-vous m’apprendre un peu cette langue ?
– Oui bien sûr, mais d’abord il faudra devenir un homme du village. Pour cela il faut porter un masque appelé nalawan, lors d’une cérémonie rituelle organisée ce soir.
– D’accord ! »

        La cérémonie commença dès le coucher du soleil et je rejoignis les habitants dès que la fête fut commencée. Au bout d’un moment, le chef du village apporta le fameux nalawan. C’était un masque fait d’argile, sur lequel étaient peints quatre visages avec de la peinture blanche. Au sommet de la sculpture, se dressaient quatre épais bâtons au bout desquels étaient attachées quelques plumes qui rendaient la statue majestueuse. Le masque, très grand, mesurait plus de la moitié de ma taille.
Le chef commença son discours en bichelamar. Comme je ne comprenais pas ce qu’il disait, j’applaudissais bêtement. Soudain le chef s’approcha de moi pour me donner le masque, il me fit signe et je le mis sur ma tête.

      Une sensation d’ivresse inhabituelle ou peut-être de rêve est sans doute la première chose que j’ai ressentie, puis des images ou des moments de ma vie apparurent les uns après les autres à mon esprit, jusqu’à une dernière image, celle de l’île d’Erromango, et celle d’une jeune femme très belle. Soudain, je me rendis compte qu’elle se tenait debout, en face de moi. Elle avait des cheveux longs et noirs, des yeux marron et son sourire me rappelait celui de ma mère. Je m’approchai d’elle et lui demandai son prénom dans ma langue. Elle répondit qu’elle s’appelait Mary.
Je tombai amoureux d’elle dès que je la vis, malheureusement. Comme je voulais savoir plus de choses sur Mary, je lui promis alors de la revoir à la fin de la cérémonie.

      Dès que j’eus enlevé le masque, je sentis des sortes de vertiges puis je m’évanouis. Quand je me réveillai, les villageois étaient autour de moi et me demandaient si j’allais bien. Mais le premier mot que je prononçai fut « Mary ». Je me levai en pensant à elle et me mis à courir dans le village pour la trouver. Un des villageois me demanda qui je cherchais et je répliquai : « Mary ». Il répéta ce prénom : « Mary ? La fille aux longs cheveux noirs ? La fille du chef ?
– Oui ! Vous savez où elle est ? »
Après un court moment de silence, un homme qui était à ses côtés précisa :
« Mary, c’est ma fille…
– Ah ! Votre fille ?
– Oui, mais elle est morte il y a cent jours, à cause de la dengue . »

          Je ne pouvais pas croire ce qu’il venait de m’annoncer. Une tristesse indicible s’abattit sur moi et je m’enfuis hors du village, loin, très loin… jusqu’à une plage où je m’isolai un long moment puis fondis en larmes.

        Tout à coup, j’entendis une voix féminine qui ressemblait beaucoup à celle de Mary, une voix qui me surprit et me bouleversa en même temps :
« Ne sois pas triste.
– Qui parle ?
– C’est moi, Mary. Ne sois pas triste. Souviens-toi seulement que dans cent jours, je reviendrai.
– Mais comment ? Tu es déjà morte !
– Souviens-toi… »
Ces derniers mots furent répétés en écho puis disparurent emportés par les vagues.
Après ce que je venais d’entendre, je retrouvai l’espoir de la revoir. Je retournai ensuite au village, un des villageois me demanda si j’allais bien, puis je fis un geste de la tête en signe d’affirmation.

9 septembre 1923.
Les jours passent et moi j’attends. Pour que le temps s’écoule plus vite, j’ai appris à pêcher avec les villageois, à chasser comme eux, à construire des cases et à cuisiner des plats traditionnels des Nouvelles-Hébrides comme le laplap, un mélange de taro et d’igname accompagné de viandes et cuit dans le lait de coco et des feuilles de bananiers.
Etrangement, depuis le cinquantième jour, je souffre d’une sorte de migraine, de maux de tête terribles qui se font de plus en plus intenses. Les habitants de l’île ne peuvent pas expliquer mes maux.

18 octobre 1923

      Cela fait deux mois que j’attends Mary. Ce matin, j’ai appris qu’il court des rumeurs macabres sur le nalawan. Il parait que les gens qui ont porté ce masque tombent malades et qu’au bout de cent jours, ils meurent. Au fur et à mesure que les jours passent, je me sens en effet de plus en plus proche de la mort. L’angoisse a commencé à me gagner jusqu’à m’envahir complètement.

                                                                                                                             ***
A cet endroit du journal, le récit s’arrêtait brusquement. Je tournai cependant la page, machinalement, et découvris ces mots, rédigés dans une autre écriture, un peu hésitante :

25 novembre 1923

      Monsieur Jeremy est passé me voir chez moi ce matin. Il m’a dit qu’il se sentait trop faible pour continuer son journal ; il me l’a confié et m’a demandé d’écrire pour lui la fin de son histoire telle qu’il me l’a racontée cent jours après la mort de Mary :
Hier, au quatre-vingt-dix neuvième jour, il était devenu très faible, tellement faible qu’il pensait qu’il n’arriverait pas à tenir jusqu’au centième, le dernier de sa longue attente.
Mais cette journée était enfin passée, elle aussi, et il était l’heure d’aller dormir. Il s’est couché sur une natte. Il faisait froid, mais soudain il a senti une sorte de chaleur le couvrir. Il a ouvert les yeux et il affirme qu’il a aperçu Mary ! Il était tellement surpris et heureux à la fois ! Aussitôt, ses migraines ont disparu comme par magie. Il a senti que son corps était plus léger. Mary l’a aidé à se lever de son lit en le prenant par les mains, et puis ils sont sortis de la maison. Mais avant de partir pour toujours avec elle, il est passé chez moi pour me raconter ces faits afin que je les écrive et que cette histoire ne soit pas oubliée.

     Plus tard, dans la journée, je suis allé dans la maison de monsieur Jeremy pour y chercher quelque chose. J’ai découvert le corps inanimé de mon ami, à côté de lui se trouvait le nalawan, posé sur la natte, au sol.

                                                                                                        ***
Après la lecture de ce carnet de bord, j’avais les larmes aux yeux, je reposai le cahier dans la boîte en verre et m’apprêtais à partir quand je sentis un regard posé sur moi. Je me retournai et vis un nalawan suspendu au plafond de la boutique…

Solina Muliakaaka, Mélissa Wong et Woo Rin Shin

Conque

Le Coquillage

Dans les quartiers chics de Londres, dans un imposant manoir, conversaient deux collectionneurs :
« Ne trouvez-pas ma collection magnifique ? interrogea le Britannique avec un fort accent anglais.
– Je vous l’accorde, répondit son invité avec politesse.
– Voudriez-vous la contempler de plus près ? Je possède certaines pièces ayant des histoires aussi fascinantes que magnifiques et, disons-le, particulières. Descendez donc à la cave avec me, j’y conserve mes plus précieux secrets et mon collection est plus vaste et exotique ! annonça fièrement l’Anglais.
– J’en serais honoré, si cela ne vous n’importune point », rétorqua le Français.

Les deux hommes se dirigèrent alors d’un pas assuré vers une porte rustique menant au sous-sol. Ils descendirent des escaliers négligés et poussiéreux qui n’étaient guère en accord avec la splendeur et l’élégance de la demeure. Les collectionneurs atteignirent une nouvelle porte, celle-ci contrairement à la précédente, était parfaitement entretenue. L’hôte se tourna vers son convive et déclara :
« Derrière ce porte sont exposées des objets, des antiquités que j’ai acquis de mes nombreux voyages en Inde, en Afrique et en Asie. Certaines œuvres sont splendides, mais ce n’est pas le cas d’autres pièces, dont la laideur rendrait aveugle. Mais je les garde car elles ont une valor inestimable… L’anglais s’interrompit quelques secondes. Et certaines sont tout à fait common, avec des histoires… qui font travailler l’esprit. »
Il n’en dit pas plus. Le Français fut parcouru de frissons tandis que le Britannique ajustait méticuleusement la clef dans la serrure la porte.
Derrière se trouvait une pièce sombre qui contenait des étagères. Des quantités d’étagères présentant masques, armes et babioles hétéroclites, que le visiteur s’empressa d’observer avec attention. Il s’amusa notamment d’une armure pour chien datant du Moyen Age. Mais ce qui piqua la curiosité du Français parmi tous ces objets peu communs, fut un coquillage d’un jaune presque blanc, poli par tant d’années à être remué, balloté par les vagues. Juste à côté se trouvait un carnet rouge pourpre usé, chiffonné, abimé par le temps et dont la reliure était des plus déplorables.
« Pourrais-je vous poser une question ? demanda le visiteur.
– Bien sûr, acquiesça l’hôte, je serai ravi de vous éclairer.
– Pourquoi entreposer un objet aussi grossier et inutile qu’un coquillage ou un banal carnet avec tous ces objets insolites ? ».
Le Britannique, vexé par les propos de son invité, répliqua avec emportement :
« Lisez ce livre ! Allez-y ! Lisez cela, mangeur d’amphibiens ! Oui, lisez et vous me direz si vous trouvez encore ces objets « banals ». Si toutefois vous conservez toujours votre tête… »
Le Français, intrigué, commença la lecture du carnet.

***

Cela faisait trois mois que j’errais en mer à sa recherche, sans résultat. Mais je ne perdais jamais espoir. Je savais, oui, je savais qu’un jour, un beau jour, j’entendrais à nouveau le son de sa voix, j’admirerais sa grâce et l’élégance de sa démarche, je contemplerais son incommensurable beauté, je la retrouverais…

Le jour venait de se lever. Au loin, les goélands planaient majestueusement dans la brise matinale. Le soleil s’élevait doucement et éclairait d’une lueur encore faible mon voilier. Ce fidèle voilier qui m’avait aidé à voguer sur les plus vastes océans, à surmonter les plus grandes tempêtes, à gravir les plus hautes vagues, à braver les divers obstacles qui s’étaient présentés à moi. Ce voilier sans lequel je ne serais rien et sans lequel je ne pourrais jamais la retrouver. Je ne m’en séparerai jamais, je ne ferai plus cette erreur de m’éloigner d’un être cher, plus jamais.

Dès l’aube, je sortis sur le pont. Mon bateau avait une coque en bois assez robuste, usée par le temps, mais il tenait toujours le coup. Il était muni de deux mâts gigantesques possédant de larges voiles rapiécées çà et là. Soudain, une sensation étrange me traversa le corps et l’esprit. J’étais comme attiré par la mer. Je m’approchai prudemment de l’eau craignant que quelque chose en jaillisse. Mais par-dessus tout, je sentis une curiosité si vive, si forte, horrible à un point tellement insupportable que je devais impérativement en connaître la source. Je m’empressai de revêtir mon scaphandre et plongeai directement dans l’eau. Je m’enfonçai petit à petit, guidé par quelque chose. Dans les profondeurs sombres, je pus distinguer un objet qui émettait une lumière blanc ivoire dans les abysses. Je venais de trouver la source de cette attraction étrange ! Je saisis la chose, mon corps en alerte, et mon cœur se mit aussitôt à battre la chamade. Pris de panique, je regagnai le navire avec précipitation, emportant l’objet avec moi.

Arrivé sur le pont, j’enlevai impatiemment mon scaphandre, je courus dans mes appartements afin d’examiner ma trouvaille plus précisément. C’était un coquillage conique, d’un blanc immaculé sans aucune tache ou trace d’usure. Je le pris dans mes mains. Au contact de cette surface lisse et froide, j’eus l’impression qu’il possédait une force étrange. Je pensai que ce coquillage n’augurait rien de bon, sans doute à cause du froid glacial qui en émanait et de la sensation inhabituelle que je ressentais. Je passai cependant la journée à analyser ce nacré blanc.

Le soleil se coucha, la lune se leva. Le carré du voilier était éclairé par une lumière tamisée orange. Cela faisait maintenant trois mois que je vivais seul dans cette pièce, mais je n’avais jamais éprouvé une telle vulnérabilité. Le coquillage était posé sur le bureau et, comme le matin, je sentais une attraction indescriptible envers l’objet.
Pour me détendre l’esprit, je me dirigeai vers mon lit en quête de quiétude. Mais tout à coup, près du matelas, je crus entendre une voix. Je sursautai et regardai brusquement tout autour de moi. Personne ! Le son se mit à retentir en échos dans ma tête. Je claquai des dents, je transpirai de plus en plus. La gorge sèche, j’essayai de parler, mais je ne pouvais pas, cela m’était impossible, impossible ! J’étais paralysé par la peur. J’essayai de fuir le carré, mais sans résultat. Soudain près du bureau, un léger chuintement parvint à mon oreille. Il provenait du coquillage ! Et il ne cessait de croître ! Il se rapprochait.

C’était la voix d’une femme. Une douce et chaleureuse voix angélique, qui pouvait adoucir tout cœur de pierre, qui pouvait apaiser tout esprit tourmenté, qui pouvait consoler tout être désemparé. La voix, cette voix qui réchauffait mon cœur, c’était celle de ma femme ! Je l’avais enfin retrouvée, après tant d’années de recherche ! Ma femme ! J’entendais enfin son agréable et aimable voix. Soudain elle me dit :
« Mon amour, sans jamais faillir, tu m’as recherchée dans l’espoir de me retrouver. Et tu m’as trouvée… Je suis là maintenant. Je ne peux cependant pas me présenter sous forme humaine. Alors je te parle à travers ce coquillage.
– Cela importe peu, à elle seule, ta voix est le plus magnifique cadeau que tu puisses m’offrir. Je ne te laisserai plus partir, non plus jamais, tu m’appartiens. J’ai tant souffert pour parvenir à toi, ne t’en va pas ! Reste, je t’en prie, reste ! suppliai-je les larmes aux yeux.
– Je suis navrée, mais je crains de ne pouvoir accéder à ta requête. Je ne peux te parler qu’un court instant. Si le coquillage reste un jour en dehors de l’eau, je mourrai à jamais. Tu ne voudrais pas que cela arrive chéri, non ? Tu dois remettre le coquillage à l’eau, annonça tristement la défunte.
– Non, je ne veux pas, je n’ai jamais été aussi heureux depuis des mois », dis-je les yeux brouillés de larmes.

Ma vue se troubla et quand j’eus recouvré la vue, le coquillage avait disparu du bureau sans laisser de trace.

Mais je ne peux attendre ici, je veux entendre à nouveau sa voix, sa douce voix ! Et peu importe la force des vagues et du courant, nul obstacle ne pourra m’empêcher de la revoir un jour. Je vais plonger dans l’eau à sa recherche…

***

« Le journal finit sur ces mots… Certes, j’admets que ces objets ne sont pas « banals ». Mais qu’est-il advenu de cet homme ? Et comment expliquez-vous la présence du coquillage ici ? demanda le Français, dont la curiosité avait été piquée.
– Vous reconnaissez que ma collection n’est pas banale, n’est-ce pas ? Je vais vous expliquer comment j’ai obtenu cet object étrange. C’était il y a de cela quarante ans, l’homme en question disparut en mer. Après des recherches, on n’a trouvé aucune trace de vie. Uniquement le voilier. A l’intérieur se trouvaient le carnet et le coquillage. Contrairement à ce qui est indiqué dans le journal, celui-ci était toujours à bord. Cet homme, c’était mon père. J’ai hérité du bateau et de tout son contenu. Mon père qui autrefois était respecté a tout abandonné pour retrouver ma mère disparue en mer – une Anglaise. Il était désespéré après plusieurs mois de recherche et souffrait de troubles mentaux. Il a sûrement été victime d’hallucinations, mais qui sait ? »

Malo Bouré, Jonathan Guyant, Mathieu Noirot et Manatoa Tuikalepa